Pour une anthropologie de la monnaie. Réflexions sur l'enseignement de la numismatique en France, 2021, 210 p. -

Restreindre la numismatique à une banale « science auxiliaire » de l'histoire n'est aujourd'hui plus de mise. Encore que... Bien évidemment, nous ne pouvons que nous réjouir de cette évolution, même si elle est, hélas, bien tardive. Pourtant, chose fort surprenante, les numismates eux-mêmes – et nous verrons qu'il en existe de nombreuses sous-espèces ! – semblent s'être longtemps accommodés d'un sous-statut peu glorieux, celui en quelque sorte de la « cinquième roue du carrosse ». Il est symptomatique de relever que l'Institut national de recherche archéologique préventive (Inrap), qui se targuait de réunir 2190 collaborateurs au 31 décembre 2018 1 , n'a toujours aucun numismate attitré, alors que plusieurs dizaines de céramologues figurent dans ses rangs et sont reconnus dans leur cursus en tant que « spécialistes ». La situation belge est tout aussi déplorable. Des deux côtés de la frontière, l'administration fait appel à des bénévoles,souvent de simples collectionneurs, ou, dans le meilleur des cas, à des contractuels sans la moindre formation spécifique préalable, pour étudier un matériel aussi pléthorique que complexe. Cette délégation des responsabilités à de purs amateurs n'est pas sans rappeler les études anthropologiques qui, lors des balbutiements de l'archéologie funéraire, étaient confiées à un médecin du cru qui, au cours de ses études, avait effectivement fait la rencontre de quelques squelettes sans pour autant lui donner de quelconques compétences dans le domaine. À qui la faute de cette méconnaissance de la numismatique – nous devrions dire « des numismatiques » tant cette discipline couvre des concepts fondamentalement différents, pour ne pas dire antino-miques ? Aux historiens, qui n'ont pas compris, ou voulu comprendre que la numismatique servait, aussi, à écrire autre chose que leur Histoire ? Aux numismates, qui n'ont pas pu mettre en avant les spécificités d'une discipline au croisement des sciences humaines et de celles dites exactes ? Aux deux, sans doute : les premiers bien souvent par ignorance, voire par arrogance, celle de la certitude de détenir la seule vérité, celle transmise par les textes. Les seconds par un affligeant manque d'intérêt pour la promotion d'une recherche pourtant spécifique. Aux uns comme aux autres, encore, de n'avoir pu prendre en compte les acquis de l'archéologie.