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Reconnaître les uniformes 1914-1918, 2013. -
De la photo à l'histoire. Dans une valise poussiéreuse abandonnée au fond d'un grenier, dans une vieille boîte à chaussures oubliée sur l'étagère d'une armoire ou bien dans le tiroir d'un meuble d'antan, les photos anciennes sont partout. Si les uns n'y voient que l'image vieillotte et sans intérêt d'un inconnu, d'autres réduisent ces clichés à des objets de collection, auxquels ils prêtent une valeur marchande aussi artificielle qu'exagérée. Ne souscrivant à aucune de ces deux options, nous préférons voir en ces photos jaunies de remarquables sources historiques, au même titre que n'importe quelle archive. C'est ainsi qu'un cliché qui peut sembler anecdotique recèle parfois des trésors d'informations. Témoins muets de l'ancien temps, les photographies parlent pourtant à ceux qui savent les écouter. Mais pour comprendre ce qu'elles ont à nous dire encore faut-il disposer d'un minimum d'outils et de références, propres à comprendre leur contexte et le message qu'elles nous délivrent. C'est l'objet de cet ouvrage. Entre 1914 et 1918, la France a levé la plus grande armée de toute son histoire. Plus de huit millions de ses enfants sont en effet passés sous l'uniforme pendant cette période ! Encore faut-il ajouter à cette foule les combattants venus des colonies (134 000 Africains noirs, 270 000 Maghrébins, 34 000 Malgaches, 42 500 Indochinois, etc.) et tous ceux qui, bien que restés civils, ont été mobilisés : ouvriers de l'armement (surnommés les «poilus de l'arrière»), membres des forces de l'ordre, sapeurs-pompiers, médecins, infirmiers... Il convient enfin de citer les femmes qui, par milliers, ont participé à l'effort de guerre dans les usines, dans les champs, dans les hôpitaux et partout où elles eurent à remplacer les hommes partis au front. Si l'armée occupait déjà une place prépondérante dans la société française avant-guerre', c'est à une véritable militarisation de la nation que l'on assiste dès le début du conflit. Dès lors, le fait militaire est partout : sur les affiches, dans la presse, mais plus que tout dans les esprits et dans les familles. Qui, dès 1914, n'a pas un père, un frère ou un cousin mobilisé ? Et quatre ans plus tard, qui ne déplorera pas un parent mort «au champ d'honneur»... ? Car ce n'est plus dans une guerre classique, mais dans une «guerre totale» que le pays est impliqué, une guerre des superlatifs : la plus meurtrière, la plus inhumaine du point de vue des conditions de vie, et de mort, au front, la plus coûteuse en termes économiques autant qu'humains, la plus destructrice dans la zone des combats, la plus durablement ancrée dans l'inconscient collectif... Or, à circonstances exceptionnelles comportements exceptionnels. Face à cette géhenne, les Français ont besoin de se rassurer et de se sentir proches les uns des autres. Ceux qui sont au front cherchent à garder un lien avec le monde des vivants autant qu'avec leur passé heureux du temps de la Belle Époque. Ceux qui sont à l'arrière souffrent de l'absence de l'être cher qui leur a été arraché pour le service de la Patrie et veulent lui donner aussi régulièrement que possible des nouvelles «du pays». Alors on s'écrit avec une assiduité et dans des proportions inimaginables de nos jours. Au bas mot, les courriers sont quotidiens dans les deux sens. Dans les tranchées, l'arrivée du vaguemestre est attendue avec une impatience fébrile et l'armée dépense des trésors d'énergie pour permettre l'acheminement des millions de lettres reçues chaque jour par ses hommes, tant il est vrai qu'un soldat privé de contact avec ses proches est un soldat démoralisé, que plus rien ne rattache à l'existence et qui négligera certaines précautions élémentaires pour se maintenir en vie.
Référence : 46133.
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